Black Lives Matter : l’impact de l’industrie de la mode.
- Lison FERNANDES
- 27 févr. 2022
- 4 min de lecture
Après des années de racisme systémique, d'appropriation culturelle et de prise de décision non inclusive, de nombreuses publications de la part du milieu de la mode sont apparues ces dernières semaines sur les réseaux sociaux comme le reflet d’une hypocrisie générale bien ancrée dans le milieu.

Crédits photographie : TrenteTroisDegrés
Depuis le meurtre de George Floyd le 25 mai 2020 aux États Unis, des milliers de personnes sont descendues dans les rues du monde entier pour dénoncer la brutalité policière et lutter contre le racisme. En ligne, des milliers d’internautes ont publié en masse illustrations et hashtags, en soutien au mouvement #BlackLivesMatter (BLM) et ont appelé à la fin du racisme, une initiative sur laquelle l’industrie de la mode s’est alors rapidement alignée. Plusieurs marques ont choisi ce moment pour afficher leur soutien sur les réseaux sociaux. Certaines publications sont alors critiquées et cet affichage sur les réseaux sociaux sonne comme une hypocrisie générale pour certains qui dénoncent des entreprises auparavant restées silencieuses sur les questions de racisme, ou qui ne favorisent pas l'inclusion et la diversité. Il ne faut que quelques minutes pour ressortir de vieux scandales, tel que le col roulé de Gucci sorti en 2019 rappelant un black face, pour que ces publications paraissent n’être qu’une tactique commerciale.
Une réalité déjà évoquée
Une énième fois l'industrie de la mode trébuche lorsqu’il s’agit d’inclusion et de représentation. L'appropriation culturelle, qui constituerait une forme d’oppression et d’irrespect par l'utilisation d'éléments d'une culture par les membres d'une culture jugée « dominante », et le manque de diversité sur les podiums sont des points de discussion éternels. En septembre 2013 déjà, les anciens mannequins Naomi Campbell, Bethann Hardison et Iman exposent des dizaines de marques en publiant une lettre ouverte pour dénoncer la sous-représentation des modèles noirs dans la mode. En août 2018, The Cut du New York Magazine publie un article de Lindsay Peoples Wagner (l’une des rares rédactrices noires à la tête d’un magazine de mode), et mettait en lumière le racisme dans la fashion sphère. 100 personnes racisées s'expriment alors sur les discriminations auxquelles elles ont été confrontées. En quelques heures, l’article avait déclenché une tempête médiatique et attiré l'attention d'un énorme public. Si l’onde de choc fut puissante, il faudra attendre 2020 et les récents évènements pour réenclencher le débat.
Sincérité ou hypocrisie ?
Selon Lindsay Peoples Wagner, l’effervescence des posts pro #BLM est problématique dans la mesure où elle s’avère éphémère et n’engendre que rarement de réels changements systémiques, désormais exigé par les consommateurs. Pour plusieurs personnes de l’industrie notamment des modèles, cette implication n’est qu’une opportunité de marketing plutôt qu'une cause à soutenir. Environ 75% des Américains sont favorables aux manifestations, selon la Washington Post-Schar School. Se ranger du côté des militants et aligner la communication sur des causes populaires est une bonne stratégie pour les sociétés qui surfent sur l’émotivité collective afin de récupérer certaines catégories de prospects. D’une autre part, les marques s’exposent aux critiques voire au boycott de leurs produits, de la part d’une société consommatrice plus consciente des manœuvres de marketing. Face à des engagements récents en faveur du #BlackLivesMatter qui contrastent avec les pratiques courantes de l’entreprise, Anna Wintour, directrice artistique et rédactrice en chef de Vogue US, s’est vue contrainte de reconnaître son « entière responsabilité pour le racisme qui a fleuri sous sa direction ». Elle ajoute « que Vogue n'a pas trouvé suffisamment de moyens pour élever et donner de l'espace aux éditeurs, écrivains, photographes, designers et autres créateurs noirs. ». Prendre le parti des excuses et assumer est la voie de recours de certains géants de la mode, d’autres n’ont pas échappé à l’interpellation plus directe de la part d’anciens partenaires. Munroe Bergdorf, mannequin et activiste britannique, s’attaque à L'Oréal, suite au retrait des termes « blanc », « blanchissant » et « clair » de tous les produits visant à unifier le teint de peau, annoncé après les débuts des manifestations anti-racistes. Et pour cause, en 2017 alors que Munroe s’exprime sur le racisme et les discriminations dans le milieu, l'entreprise milliardaire met fin à son rôle d’ambassadrice
et modèle.
Quelles solutions ?
En France, l'industrie du textile et des vêtements génère à lui-seul un chiffre d’affaire de 67 milliards d’euros selon l’INSAE. Si le soutien envers #BlackLivesMatter a été rapide, son importance peut retomber tout aussi rapidement et il semble donc important d’établir des actions concrètes sur le long terme pour contrer l’influence grande échelle de l’industrie de la mode. Michael Jordan a par exemple annoncé dans un communiqué posté sur Twitter le 5 juin, s’engager à donner 100 millions de dollars aux initiatives des Noirs au cours des 10 prochaines années. Si ce type d’initiative de financement n’est pas réalisable par la majorité, les consommateurs, détenteurs du pouvoir d’achat, peuvent faire changer la tendance. L’hashtag #supportblackbusiness est apparu sur les réseaux sociaux et invite également à se rapprocher de sociétés tenues par des noirs et à leur offrir plus de visibilités et de chance de réussir. La solution considérée la plus simple sur le web est d’arrêter de soutenir les entreprises qui n’œuvre pas pour la diversité et d’apporter du soutien aux entreprises engagées et inclusives.
Par Lison FERNANDES (Août 2020)
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